Avant, du temps où j'étais encore une usine, où j'étais remplie de personnes qui travaillaient dur pour gagner leur vie, en ce temps-là, tous les jours à partir de six heures le matin les machines commençaient à se mettre en route et elles ne s'arrêtaient que tard le soir, vers huit heures. Leur bourdonnement ne me quittait jamais. En ce temps-là, il y avait toujours quelqu'un avec moi, on s'occupait de moi. Mais depuis cet incendie qui a tout ravagé, tout détruit, tout a changé. Plusieurs centaines d'hommes se sont retrouvés sans travail pour nourrir leur famille. Et moi je me suis retrouvée seule sans personne pour m'entretenir, sans personne pour me tenir compagnie, sans personne pour venir me rénover, sans personne.

Il y a un an, une jeune femme est venue pour me visiter moi, l'entrepôt plein de tags, plein de poussière. Cette jeune femme est venue pour voir comment elle pourrait agencer les lieux pour son agence de mode. Elle avait décidé que tout d'abord il faudrait me nettoyer de fond en comble, puis me repeindre avec de belles couleurs vives. Elle a voulu alterner un mur rouge, un mur jaune. Ensuite il a fallu mettre du parquet flottant sur le sol. La semaine dernière, cerise sur le gâteau, elle a dit qu'elle avait repéré un magnifique lustre blanc pour moi.

Je suis heureuse d'avoir eu droit à une deuxième chance et j'espère que d'autres maisons ou entrepôts ou usines auront droit eux aussi à une autre chance.

Je dois l'avouer, ça m'avait fait peur de redevenir une entreprise dans laquelle il y aurait du monde qui travaillerait. J'ai eu peur qu'une nouvelle catastrophe s'abatte sur moi. En fin de compte, jusqu'ici, il ne m'est rien arrivé de grave, à part une petite tache sur le tapis central du bureau de ma patronne| : c'était du coca, si je me souviens bien.

Un fragment de futur

Marie H.

Index

Références

En paraison : fragment au présent, Isabelle S.  (En paraison)                                Carte d'un monde abandonné, Frédéric